Le roman expérimental Les Vagues (1931) efface les distinctions entre prose et poésie, donnant corps à un flux de conscience à partir de six voix et d’un héros muet, objet de toutes les attentions.
Vagabondages de Schubert, errances de Schumann, passions apaisées de Brahms : le romantisme musical pratiquait l’art d’être soi en communion ou en souffrance avec la nature. Le chemin n’a pas été perdu depuis.
D’autant que, plus nos brutalités industrielles asservissent la nature, moins le rapport des forces spirituelles est en notre faveur. On entendra donc, à mesure de ce voyage d’hier à aujourd’hui – qui est tout autant un paysage de l’écoute –, de moins en moins de mâles certitudes, et de plus en plus de nuits aux perspectives indécises.
Jeu de souffles et de silences, t(air)e, de Heinz Holliger, invoque la nature d’avant, la flûte instrument premier à l’orée de l’homme, la matière du son et l’intensité du corps.
Bruissement, murmures, cri des ombres, les Musiques nocturnes de Béla Bartók relèvent le drap de la nuit sur un temps suspendu et les lointaines pulsations du vivant.
L’Hommage à R. Sch(umann) de Györgi Kurtág, rôde dans la même nuit. Infiniment fragile, c’est un miracle du presque rien où battent des tensions comme pour marquer, mais à peine, que s’il y a quelque chose de durable ici, c’est le dehors et que notre dedans finira par s’y dissoudre.
Au centre du programme, la création de Florence Baschet autour du prologue des Vaguesde Virginia Woolf a quelque chose de la poésie zen : elle donne à entendre le vide. La séparation infiniment lente de la nuit et du jour sur la mer, le déchirement interminable du ciel et des eaux dans la lueur d’un premier matin : la nature tiendrait toute entière dans ce chant de femme.
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